Les ventes d’équidés représentent une partie non négligeable du contentieux en droit équin. Il n’est en effet pas rare qu’un acquéreur découvre, après la vente, que sa monture présente un défaut ou une maladie la rendant impropre à l’usage qu’il en avait envisagé. En l’absence de contrat écrit prévoyant les garanties applicables, la difficulté pour cet acquéreur malheureux est bien souvent de déte
Il nous faut préciser que nous n’évoquerons pas ici le cas d’une vente d’équidé entre un vendeur professionnel et un acheteur auquel il est reconnu la qualité de consommateur. Précisons que le Code de la consommation définit le consommateur comme une personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans la cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
Dans cette situation particulière, ce sont les dispositions sur la garantie légale de conformité des articles L 217-1 et suivants du Code de la consommation qui s’appliqueront.
Ainsi, nous verrons que pour toutes les autres situations (vendeur non professionnel, ventes entre professionnels, acheteur professionnel), l’action de l’acquéreur contre le vendeur sera régie par les dispositions du Code rural (A), mais qu’il sera possible de les écarter sous certaines conditions au profit de la garantie des vices cachés du Code civil (B).
A. L’APPLICATION DE DROIT DE LA GARANTIE DES VICES REDHIBITOIRES
L’action en garantie dans le cadre des ventes de chevaux domestiques est régie par les articles L 213-1 et suivants du Code rural qui prévoient une action en garantie des vices rédhibitoires, applicable entre les parties sauf convention contraire. Ce principe a été rappelé à plusieurs reprises par la Cour de cassation (Civ. 1ère, 22.10.2002, n°00-16.548).
L’article L 213-1 du Code rural précise que cette action en garantie pour vices rédhibitoires est régie par le Code rural sans préjudice de l’application des dispositions du Code la consommation.
1. Une garantie limitée
S’agissant des dispositions du Code rural, la première difficulté réside dans le fait que le législateur a limité le nombre de vices ouvrant droit à cette garantie. Elle ne peut donc être engagée qu’en présence des vices suivants :
– Immobilité,
– Emphysème pulmonaire
– Cornage chronique
– Tic proprement dit avec ou sans usure des dents
– Boiteries anciennes intermittentes
– Uvéite isolée
– Anémie infectieuse des équidés
Pour engager une action fondée sur les vices rédhibitoires, l’acheteur doit solliciter devant le juge du tribunal judiciaire du lieu où se trouve l’animal la nomination d’un ou trois experts chargés de dresser un procès-verbal dans les plus brefs délais. Le juge rendra une ordonnance par laquelle il nommera un ou plusieurs experts vétérinaires, chargés de vérifier l’état de l’animal, de recueillir tous les renseignements utiles et donner leur avis sur les défauts allégués.
Une autre difficulté réside dans le fait que l’acquéreur ne dispose que de délais extrêmement courts tant pour introduire l’action que pour provoquer la nomination des experts : trente jours pour l’uvéite isolée et l’anémie infectieuse, et cinq jours pour les cinq autres vices rédhibitoires.
Notons que le délai court à compter de la livraison du cheval et non à compter de la découverte du vice. La Cour d’appel d’Amiens, dans un arrêt du 8 septembre 2017, a ainsi décidé, s’agissant d’une action pour vices rédhibitoires pour un cheval présentant une boiterie, que le délai de 10 jours s’appliquait non seulement à la demande d’expertise mais également à la saisine du juge du fond (CA Amiens, 8.09.2017, RG n° 15/06084). Il faut donc dans le même temps déposer la requête aux fins de désignations des experts et assigner en garantie le vendeur.
Le caractère limité du champ d’application de cette garantie la rend donc particulièrement inadaptée à la réalité. Elle l’est d’autant moins que, bien souvent, les défauts de l’animal apparaissent après les délais prévus par le Code rural pour engager une action.
2. Une garantie supplétive
Il est toutefois possible d’écarter l’application de droit de ces dispositions puisque l’article L 213-1 du Code rural dispose que cette action est applicable entre les parties sauf convention contraire. Dès lors, ce sont les dispositions de la garantie des vices cachés du Code civil qui s’appliqueront (article 1641).
Pour échapper aux conditions strictes de l’action des vices rédhibitoires, l’acheteur devra établir une première preuve : celle de l’existence entre les parties d’une convention contraire, expresse ou tacite.
Une telle preuve ne pose aucune difficulté en présence d’un contrat écrit prévoyant l’application des garanties applicables.
En l’absence d’un tel contrat écrit, les tribunaux considèrent que l’existence d’une convention contraire tacite résulte de la simple connaissance par le vendeur de l’usage que l’acheteur entend faire de l’animal (compétitions, courses, reproduction, etc.). Dès lors que l’usage de l’équidé était connu des parties, celles-ci ont entendu soumettre le contrat à la garantie des vices cachés (Civ. 1ère, 22.10.2002, n°00-16.548).
Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Bordeaux a considéré que les parties avaient implicitement entendu écarter les dispositions du Code rural en raison de la nature et de la destination de l’animal (CA Bordeaux, 5.09.2019, n° 17/03567). En l’espèce, la convention contraire résultait de la lecture de l’annonce de vente parue et de l’acte de vente établissant que le cheval était à usage de loisirs et de compétition .
La Cour d’appel de Rennes a, quant à elle, estimé que la preuve de la destination sportive du cheval résultait des résultats en compétition du vendeur au cours de l’année précédent la vente, ainsi que du compte-rendu de visite d’achat par le vétérinaire (CA Rennes, 11 octobre 2019, n° 16/03809). Dès lors, la preuve de l’existence d’un convention contraire dérogatoire aux règles du Code rural était rapportée.
La Cour de cassation a également estimé que la preuve de la destination sportive, et donc de cette convention contraire, pouvait résulter des termes d’un courrier du vendeur à l’attention de l’acquéreur alors même que ce courrier était postérieur à la vente (Civ. 1ère, 1er juillet 2015, n° 13-25.489).
Quant à la Cour d’appel de Toulouse, elle a écarté l’application de la garantie des vices rédhibitoires dans le cadre d’un litige afférent à un cheval alors même que seul un usage de loisir et d’agrément était projeté (CA Toulouse, 21.10.2014, n° 13/02709).
B. LES VICES CACHES, UNE GARANTIE PLUS PROTECTRICE DES DROITS DE L’ACHETEUR
L’acquéreur aura davantage de chances de voir son action prospérer s’il cherche à obtenir l’application par les tribunaux de la garantie des vices cachés.
1. Les éléments constitutifs de la garantie des vices cachés
Rappelons que conformément aux dispositions de l’article 1641 du Code civil, l’acquéreur de l’animal doit établir trois éléments :
– L’équidé est atteint d’un vice
Le vice est défini comme celui qui rend la chose, en l’espèce l’animal, impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix, s’il l’avait connu.
Dès lors, il est indispensable de déterminer l’usage contractuel du cheval. Le juge appréciera in concreto si le vice constitue bien le défaut de qualité que l’acquéreur pouvait nécessairement attendre de l’animal.
A titre d’exemple, la Cour d’appel de Colmar a classiquement estimé qu’une tendinite chronique excluant toute participation à des compétitions constituait un vice rendant le cheval impropre à l’usage auquel il était destiné (CA Colmar, 11 juin 2012, n° 11/03660).
De la même façon, la Cour d’appel de Dijon a prononcé la résolution de la vente d’un cheval souffrant de dermite sur le fondement des vices cachés, alors que l’animal était destiné à vivre au pré et être monté par le fils de l’acquéreur (CA Dijon, 28.09.2000, n° 99/01033).
L’intérêt de la garantie des vices cachés est donc qu’elle ne se limite pas aux quelques vices limitativement énumérés par les dispositions du Code rural.
– Le vice existait au moment de le vente
La preuve de cette antériorité pèse sur l’acquéreur. L’acquéreur aura donc intérêt à solliciter, avant tout procès, une expertise judiciaire permettant un débat contradictoire sur les éléments techniques établis par l’expert- vétérinaire.
– Le vice dont est atteint l’équidé n’était pas apparent au moment de la vente
Il est nécessaire que le vice affectant l’animal soit caché au moment de la vente. Ainsi, les vices apparents dont l’acquéreur a pu se convaincre au moment de la vente sont exclus du champ d’application de cette garantie, selon les dispositions de l’article 1642 du Code civil.
Il est donc primordial de faire pratiquer au moment de la vente un examen par un vétérinaire qui pourra mettre en lumière les défauts ou pathologies dont l’animal est apparemment affecté. Cependant, les tribunaux se montrent vigilants s’agissant des informations transmises à l’acquéreur, celles-ci devant lui permettre d’apprécier l’ampleur des éventuels défauts de l’animal et ses conséquences, notamment au regard de l’usage qu’il en projette.
Ainsi, il a été jugé par la Cour d’appel de Paris qu’une lésion visible sur des clichés radiographiques constituait un vice caché au sens de l’article 1641 du Code civil en l’absence de tout commentaire écrit explicitant lesdites radiographies (CA Paris, 4.10.2002, n°2001/19750) .
2. Les effets juridiques de la garantie des vices cachés.
L’article 1644 du Code civil dispose que l’acquéreur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
Ce choix appartient au seul acquéreur.
En cas de résolution de la vente, l’acquéreur se verra restituer le prix de vente de l’animal ainsi que les frais occasionnés par la vente. La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 juillet 1998, a rappelé que ces frais s’entendent seulement des dépenses directement liées à la conclusion du contrat (Civ. 1ère, 16.07.1998, n°96-12.871). Dès lors, les frais de pension ou d’entretien (nourriture, maréchalerie, etc.) ne peuvent donner lieu à remboursement par le vendeur.
En revanche, l’article 1645 du Code civil dispose que si le vendeur connaissait les défauts de l’animal, il peut se voir condamné à payer ces frais et verser à l’acquéreur des dommages et intérêts. Dans un arrêt du 22 mai 2019, la Cour de cassation a confirmé une décision de la Cour d’appel de Nancy qui avait condamné le vendeur professionnel à payer à l’acquéreur la totalité des frais d’entretien de l’équidé exposés entre la date de la vente et celle de la résolution du contrat, soit 28 000 €. La Cour d’appel de Nancy avait ainsi estimé qu’en tant que vendeur professionnel, ce dernier était présumé, « de manière irréfragable », avoir eu connaissance du vice affectant le cheval lors de la vente (Civ. 1ère, 22.05.2019, N° 17-31248) .
De son côté, le vendeur se verra restituer l’animal ainsi que les fruits qu’il a ainsi pu produire mais ne pourra prétendre à une indemnité fondée sur son utilisation.
L’acquéreur a également la possibilité de conserver l’animal et solliciter le versement par le vendeur le remboursement d’une partie du prix d’achat.
3. Sur le délai de l’action en garantie des vices cachés
Notons que le délai pour engager une action sur le fondement de la garantie des vices cachés est de deux ans, non pas à compter de la livraison du cheval, mais à compter de la découverte du vice.
L’application des règles de la garantie des vices cachés n’est donc pas sans intérêt par rapport à une action fondée sur les vices rédhibitoires enfermée dans des délais extrêmement courts.
Mais n’oublions pas le délai de prescription plus général prévu à l’article 2224 du Code civil qui impose d’engager toute action contractuelle dans un délai de 5 ans.
Dès lors, si le vice apparait dans un délai de 4 ans après la vente, l’acquéreur ne disposera plus que d’un an pour engager la procédure sondée sur la garantie des vices cachés.
Pour conclure, notons que la rédaction d’un contrat écrit prévoyant l’application des dispositions de la garantie des vices cachés permet d’éviter un débat sur l’application des dispositions des vices rédhibitoires. Cependant, le Code civil autorise le vendeur à insérer une clause limitant ou excluant sa garantie à raison des défauts cachés de l’animal. D’où l’importance d’être particulièrement vigilant sur la manière dont sont rédigées les clauses de garanties.